Évaluer au-delà l'intensité

Comme chaque année, de très nombreuses sessions sont proposées à l’occasion des entretiens de Bichat. Autant d’occasions de mieux comprendre ce qui évolue dans la pratique quotidienne. Tour d’horizon avec les experts qui pilotent quelques-unes de ces incontournables rencontres qui rapprochent les médecins généralistes, des spécialistes. Focus sur la prise en charge de la douleur et l’ophtalmologie.

CARRIÈRE EMPLOI - LES ENTRETIENS DE BICHAT

 

Pr. Serge Perrot Avec le Pr Serge Perrot
Responsable de l’unité fonctionnelle
Centre d’étude et de traitement de la douleur
Hôpital Cochin (AP-HP)

 

Discuter des risques liés aux opioïdes, aux particularités de la douleur pédiatrique et aux maladies douloureuses dysfonctionnelles, au-delà des préjugés et idées reçues.

Parmi les avancées présentées cette année aux médecins généralistes cette année à l’occasion des entretiens de Bichat, il me paraît important d’insister sur l’essentiel. La douleur est à la fois un symptôme d’alerte qu’il faut soulager tout en
traitant la cause, mais aussi une pathologie chronique aggravant un grand nombre de maladies chroniques. Il devient donc important de savoir l’évaluer, de connaître ses mécanismes et ses particularités selon le terrain. L’évaluation de la douleur ne repose plus uniquement sur son intensité, mais aussi sur sa qualité. Il reste fondamental de rechercher les composantes d’une douleur, comme ses composantes neuropathiques.

Questionner le patient sur la façon dont il peut la ressentir est aussi riche d’enseignement pour nous. Est-ce que cela le pique, le brule ou bien le lance ? Cela peut être plus diffus en lien avec une douleur dite centrale ou dysfonctionnelle. Cela reste particulièrement complexe notamment dans les douleurs chroniques. À partir d’un niveau 10, parlons davantage d’une souffrance et il me paraît important de se saisir de nouveaux outils mieux adaptés pour évaluer la qualité de la douleur au-delà de sa simple intensité. De nouveaux questionnaires permettent d’aller plus loin dans l’analyse de l’expérience de la douleur permettant de proposer une prise en charge mieux adaptée qui n’est pas forcément pharmacologique.

De nouvelles pistes méritent notre attention

Les réponses non médicamenteuses comme l’acuponcture, l’hypnose, la relaxation, les thérapies cognitivo-comportementales deviennent autant d’approches intéressantes qu’il convient de mieux connaître. Des experts de la SFETD, Société Française d’Étude et de Traitement de la Douleur viennent faire le point sur toutes ces approches utiles en médecine
générale, pour l’évaluation comme pour le traitement. Loin des préjugés et idées reçues, un point particulier sera porté aux risques liés aux opioïdes, aux particularités de la douleur pédiatrique et aux maladies douloureuses dysfonctionnelles.

"Les réponses non médicamenteuses deviennent autant d’approches intéressantes"

Le mésusage de certains médicaments est aussi mieux documenté aujourd’hui. Parmi les erreurs à ne pas commettre, il faut garder à l’esprit qu’un médicament n’est pas prescrit en fonction de l’intensité de la douleur. Ce n’est pas parce que l’on est à 10 sur une échelle qu’il convient systématiquement de donner de la morphine. On associe encore trop souvent l’intensité de la douleur à un type d’antalgique. L’échelle de classification de l’OMS qui nous a été très utile à partir de 1986 pour les douleurs du cancer est finalement fausse pour les autres douleurs. Les anti-inflammatoires sont de bien meilleures réponses face aux lombalgies.

Se faire une idée plus précise de la douleur ressentie et non exprimée

Au-delà du langage, l’évaluation du comportement ouvre de nouvelles perspectives pour évaluer plus finement la douleur. De nouvelles échelles plus comportementales le facilitent et aident les soignants à mieux repérer les réactions aux soins, à la mobilisation des gens âgés ou des nourrissons. Pour les sujets âgés, le questionnaire Algoplus mis au point par des équipes françaises permet de se faire une idée plus précise de la douleur ressentie et non exprimée à partir de 5 questions.

Cet outil est déjà utilisé aux urgences pour les patients atteints d’Alzheimer. L’analyse plus fine de la douleur chez les patients non communicants devient essentielle. Enfin, les perspectives d’une approche multidisciplinaire telle que proposée en Structure de la Douleur, en lien avec la médecine générale, seront développées.

Mieux évaluer la douleur des patients non communicants : Le questionnaire algoplus est téléchargeable : https://www.cnrd.fr/Echelle-Algoplus969.html